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Retour sur la 5e édition des Sport Business Meetings !

Au cours des dernières années, les femmes ont gagné en liberté d'expression pour faire entendre leur voix contre le harcèlement sexuel et les violences dont elles ont été victimes. Pourtant, un sujet demeure tabou dans l'univers du sport. Les sportives de haut niveau ont-elles un véritable droit à la maternité ?

Plusieurs intervenants ont été invités à répondre à cette question le 23 janvier 2019. Auprès de Michael Tapiro, président de la Sports Management School, se sont réunis Aurélie Bresson, fondatrice du magazine « Les Sportives », Maryse Ewanjée-Épée, ancienne athlète de haut niveau et actuellement consultante et chroniqueuse sur RMC Sport, Laurence Blondel, responsable de l'encadrement des sportifs de haut niveau à l'INSEP, ainsi que Badou Sambague, avocat expert en droit du sport.

Une athlète de haut niveau est-elle contrainte de choisir entre sa carrière sportive et son désir de maternité ? Pour ouvrir le débat, A. Bresson note qu'un nombre croissant de carrières se retrouvent suspendues, et que ce sujet ne reçoit qu'une faible attention de la part des médias. Ainsi, la question de la grossesse est-elle abordée parmi les athlètes et a-t-elle un impact sur leur parcours professionnel ? Selon L. Blondel, toute l’organisation s’articule autour du projet sportif. M. Ewanjée-Épée va encore plus loin en discutant d’un thème controversé : « Dès qu'une femme est enceinte, on lui guide son parcours ». Elle évoque également des recommandations officieuses incitant les athlètes à attendre la fin de leur carrière avant d'avoir un enfant. Les institutions sportives devraient-elles donc être plus compréhensives ? L. Blondel soutient que les femmes athlètes de haut niveau exercent une profession comparable à toute autre et qu'elles devraient, par conséquent, bénéficier des protections offertes par le droit du travail, tout comme les employées d'autres entreprises.

Toutefois, il y a actuellement un vide juridique concernant les athlètes féminines qui envisagent la maternité. Selon B. Sambague, le sport féminin s'est considérablement développé ces dernières années. Toutefois, en l'absence de restrictions sur le droit à la maternité, des situations complexes peuvent amener les sportives de haut niveau à renoncer à la maternité. Bien que le congé de maternité soit en place de nos jours, B. Sambague insiste sur le fait qu'il n'existe pas de période de protection pour les sportives après leur accouchement. M. Ewanjée-Épée ajoute que le statut d'une sportive de haut niveau est considéré comme invalidé dès qu'elle est enceinte. Ces règles créent non seulement une inégalité entre les hommes et les femmes, mais aussi une différence de traitement entre les sportives souhaitant devenir mères et celles qui ne le souhaitent pas.

Quelles sont les performances sportives des femmes après une grossesse ? Michael Tapiro souligne que, historiquement, le corps féminin a été exploité pour le « dopage hormonal » en Union soviétique et en Allemagne de l'Est, dans le but de provoquer une grossesse à un moment choisi, permettant ainsi aux hormones d'optimiser les performances sportives post-grossesse. Selon M. Ewanjée-Épée, bien que la fatigue physique soit indéniablement significative, les avantages psychologiques liés à la parentalité, tels qu'un meilleur équilibre personnel et une plus grande maturité, viendraient atténuer cette fatigue. Cependant, le sport féminin est conçu par des hommes qui ignorent largement la réalité du corps féminin.

Plusieurs idées ont émergé lors de ce débat. La première, proposée par M. Tapiro, qui a suggéré qu'un homme puisse prendre un congé parental pour appuyer sa compagne de haut niveau, facilitant ainsi son retour à la compétition dans des conditions plus favorables. Pour B. Sambague, l'essentiel du problème est lié aux mentalités qui doivent changer. Les sportives de haut niveau ne prendront pas le « risque » de tomber enceinte tant qu'elles ne seront pas protégées par un cadre juridique. Pour y parvenir, il faudrait que davantage de femmes accèdent à des postes décisionnels dans les institutions, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement. Les sponsors peuvent-ils toutefois se substituer à l’État pour protéger les sportives de haut niveau ? L'exemple de M. Ewanjée-Épée, qui a signé un contrat de sponsoring avec la marque Prenatal lors de sa première grossesse, montre que certaines marques n'hésitent pas à soutenir ces femmes. Aujourd'hui, avec la prépondérance des réseaux sociaux et l'intérêt grandissant des marques de sport pour le marché féminin, on se demande pourquoi le secteur privé ne prend pas davantage le relais du public. En revanche, pour M. Ewanjée-Épée, l'État doit combler ce vide juridique, car tous les athlètes n'ont pas la possibilité de bénéficier d'un sponsor. Par ailleurs, il serait pertinent d'examiner les initiatives mises en œuvre pour le sport féminin et de considérer si l'État pourrait être un acteur majeur pour encourager l'implication des entreprises privées dans cette dynamique.

De nombreux défis restent à relever, mais certaines solutions ont déjà été mises en place. C'est notamment le cas de l'INSEP, qui a mis en place une crèche pour ses athlètes. Le problème, c’est que les enfants ne peuvent y être accueillis qu'à partir de l'âge de 2 ans ; avant cela, les sportives doivent souvent se débrouiller avec des solutions comme les assistantes maternelles ou la famille pour s'occuper des tout-petits pendant les longues heures d'entraînement. Le chemin reste encore long. Comment expliquer que le cadre juridique et l’écosystème sportif n’évoluent pas au même rythme que les mentalités sur les droits des femmes ? Pour l'ensemble des intervenants, les femmes sportives d'envergure doivent monter au créneau, ce qui n'est pas sans complications en raison de la peur des préjugés. De plus, la principale ambition des sportifs reste la compétition, comme les Jeux Olympiques, et il arrive que la fatigue accumulée à l'entraînement limite leurs possibilités de revendiquer davantage de droits.

À la veille de la Journée internationale du sport féminin, cette 5e édition des Sport Business Meetings a souligné des enjeux qui sont véritablement dans l'ère du temps. Espérons que l’essor récent du sport féminin contribue à faire évoluer les mentalités et la question de la maternité des sportives de haut niveau. Pour l'avenir, les athlètes féminines peuvent compter sur le soutien de porte-drapeaux internationaux tels que Megan Rapinoe et Alysson Felix pour faire évoluer la situation.

Alexandre Duguy-Loi

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