Pourquoi je boycotterai le Mondial 2022, Par Pierre Rondeau, professeur à la Sport Management School

Pourquoi je boycotterai le Mondial 2022, Par Pierre Rondeau, professeur à la Sport Management School

Le 20 novembre prochain va débuter la XXII° édition de la coupe du Monde de football, et pour moi et j’espère, pour beaucoup d’autres, ça sera l’occasion d’éteindre la télévision. Trop, c’est trop, on ne peut plus cautionner l’innommable.

Depuis 2010 maintenant, nous savons que cette compétition, avec de très forts soupçons de corruption, aura lieu au Qatar, un pays qui ne respecte ni les droits des travailleurs, ni les droits LGBT+, ni les droits de l’environnement et ni les droits de l’Homme. Cela fait maintenant 12 ans que nous savons que ce petit pays du Golfe sera l’hôte du plus grand tournoi de football du monde et, jusqu’ici, trop peu ont critiqué cette décision. A présent, c’est à nous, peuple et supporters du football, de refuser l’injustifiable et de dire stop, d’exiger que des changements importants soient faits et que plus jamais nous devions mettre sur la balance passion footballistique et respect des droits les plus fondamentaux. 

La logique est claire. En une seule décennie, malgré les révélations, malgré les preuves, malgré les évidences, aucun responsable politique n’a remis en cause l’évènement, aucun dirigeant du football n’a critiqué l’organisateur, tout le monde a fermé les yeux, imaginant que la ferveur du foot allait prendre le dessus. Pourtant non, les 6750 morts sur les chantiers du mondial, comme révélé par le média anglais The Guardian, la pénalisation de l’homosexualité, l’absence de droits pour les travailleurs, les manquements manifestes pour l’environnement, avec des stades climatisés et des déplacements réguliers en avions, auraient dû nous interpeller dès le début. 

C’est donc à nous, aujourd’hui, de prendre une mesure forte et de refuser de cautionner, de regarder et de médiatiser une telle compétition. Certes, d’aucuns pourraient rétorquer que nous ne sommes en rien responsables de cette décision, nous ne serions que des victimes des choix d’en haut, d’une FIFA peut-être corrompue et d’une élite éloignée des réalités. Comme s’est interrogé l’acteur Roschdy Zem, « pourquoi aujourd'hui on prend en otage le spectateur en disant de ne pas regarder la coupe du monde ? ».  D’autres encore réagiraient en retenant l’argument de l’histoire, en affirmant qu’aucun boycott, qu’il soit politique, diplomatique ou sportif, n’a fait changer les choses. Pour eux, un boycott n’aurait aucun intérêt si ce n’est satisfaire nos consciences.  

En d’autres termes, pour eux, il faudrait valider ce mondial, soutenir son organisation et sa médiatisation afin de forcer le pays à changer, à évoluer dans le bon sens et se réformer positivement. Puis la désignation du Qatar ne serait pas de notre fait, ça ne serait pas à nous d’en assumer les conséquences. Nous ne serions que de simples supporters, amoureux du ballon rond. 

Premièrement, arrêtons avec le rôle diplomatique. Le football n’a pas le pouvoir de changer les choses. Il ne faut pas donner un rôle politique au football, ça n’est pas lui qui doit être responsable de des améliorations. De plus, ne pas regarder et donc boycotter ne signifie pas automatiquement se taire et oublier le Qatar, abandonner à leurs tristes sorts les travailleurs étrangers, les homosexuels, les femmes, etc.  

Ne pas regarder, bien au contraire, signifie dénoncer et alerter sur les conditions des travailleurs étrangers dans le pays, sur la pénalisation de l’homosexualité, qui condamne encore à 7 ans de prisons les couples gays, sur les absurdités environnementales, à l’heure du dérèglement climatique. Ne pas regarder, c’est au contraire, ne pas être aveuglé par la passion footballistique et reconnaitre que, depuis le début, c’était une erreur d’aller au Qatar, c’était une erreur de choisir un pays encore trop faible sur la scène sportive, incapable d’assurer l’organisation d’un évènement d’une telle envergure. Ne pas regarder, c’est dire tout simplement plus jamais ça. 

Enfin, ne pas regarder, ça n’est pas être pris en otage, devoir faire un choix impossible entre supporter et éteindre sa télévision. Il faut respecter l’ordre des préférences, les droits humains les plus fondamentaux priment bien évidemment sur le reste. Ca n’est pas être pris en otage, contrairement à ce que voudrait croire Roschdy Zem, et beaucoup d’autres, que de ne pas regarder, pour une fois, la coupe du Monde.  

A l’inverse, ne pas regarder, c’est donner du crédit à l’action collective, au pouvoir populaire. C’est dire que nous ne voulons plus d’une telle organisation, c’est forcer les gouvernements et les instances à changer. Rappelez-vous de la Super-League européenne, qui avait vu le jour en avril 2022. En moins de 48 heures, elle a été abandonnée après une fronde colossale du peuple du football. Partout en Europe, en Angleterre, en Espagne, en Italie, les supporters ont dit non et ont manifesté leur désapprobation. Et elle a disparu. 

Alors pourquoi ne pourrions-nous pas, pour des raisons claires, celles du respect des droits de l’Homme, des droits LGBT+, des droits des travailleurs, des droits des femmes et des droits de l’environnement, refuser ce mondial et espérer que les choses changent ?  

Donnons-nous cette ambition.

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