Faut-il conserver un ministère des sports ?

Faut-il conserver un ministère des sports ?

Pierre Rondeau

Il est critiqué depuis longtemps, il ne pèse rien dans les finances, pour certains, il est inutile et abscons. Pourtant, le ministère des sports existe depuis 1936 et est passé à travers toutes les crises gouvernementales, politiques et économiques. Qu’est-ce qui expliquerait donc sa légitimité ? Faut-il maintenir un tel ministère en l’état ou préférer sa disparition ? Tentative de débat.

En 2018, un an seulement après l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, et la nomination de l’ancienne escrimeuse Laura Flessel au ministère des sports, un rapport de Bercy proposait la suppression pure et simple du ministère. Pour ses rédacteurs, une telle antenne serait couteuse, bien qu’elle ne pèse que 0,8% du budget de l’Etat, archaïque et répondant à des logiques issues de l’après-guerre. 

D’autant plus que depuis de nombreuses années, aucun ministre au sport n’a pesé dans les décisions politiques et a imposé sa patte au sein d’un gouvernement. Les principaux experts ne retiennent que Marie-George Buffet, ministère entre 1997 et 2002. Depuis, quasiment personne n’est sorti du lot. Juste de la façade et du show-system, avec d’anciens sportifs nommés sans expérience ni importance. 

De quel sport parle-t-on ?

Mais alors faut-il conserver un ministère des sports en France ? Procédons point par point. Tout d’abord, de quoi parlons-nous ? Du sport d’élite, représenté aux Jeux Olympiques et aux différentes compétitions internationales d’excellence ? Du sport au quotidien, pratiqué par des millions de français chaque jour, sans qu’ils ne soient forcément licenciés ou inscrits dans un quelconque registre ? Du sport indépendant financièrement, fortuné par son poids médiatique et symbolique ? Du sport mineur, dépendant aux subventions publiques et aux aides ? 

Evidemment, selon telle ou telle définition, on défendra ou on critiquera l’existence d’un ministère. Par exemple, lorsque l’actuelle ministre Roxana Maracineanu, vient s’immiscer dans les décisions et les directives de la richissime ligue de football professionnel, on se pose la question de sa légitimité. Voit-on un ministre imposer des choix à des entreprises privées ? Pourquoi, dans le sport, le ministre s’autoriserait cela ? 

Ensuite, concernant le sport d’élite, les partisans d’un ministère affirment que cela permet d’imposer des trajectoires et des politiques favorisant l’excellence et la réussite. Lorsque le décideur public planifie, il peut optimiser les chances de médailles et les chances de succès. Mais alors, comment expliquer que le Royaume-Uni, qui n’a pas précisément de ministère des sports, soit devant nous au tableau des médailles olympiques et obtiennent de meilleurs résultats ? 

Les anglais n’ont plus de ministère des sports depuis 1996

Par l’existence, depuis 1996, d’une agence nationale au sport chargée intégralement de la gestion du sport d’élite. La France a changé son fusil d’épaule sur ce sujet, et a créé l’année dernière, une telle agence. Bien qu’elle pâtisse encore de problématiques budgétaires et de gouvernance. Qui la dirige ? Avec quelle légitimité, face au CNOSF et au ministère ? Doit-elle seulement se charger du sport d’élite ou de tous les sports, mêmes ceux qui ne sont pas représentés aux jeux Olympiques ? Mêmes ceux qui sont indépendants financièrement, comme le tennis, le golf, le rugby ou le football ? 

C’est encore très flou et le maintien du ministère, à côté de l’Agence Nationale du Sport Français rajoute de la confusion à la confusion. L’argument principal consiste à dire que l’Etat doit aussi se charger de la démocratisation et du financement du sport pour toutes et tous, du sport quotidien, pratique, régulier. 

De ce sport qui favorise le dépassement de soi, la bonne santé, qui lutte contre l’obscurantisme, le communautarisme, le repli sur soi, qui soutient la fraternité, le vivre-ensemble, la cohésion. Si l’on reprend l’exemple britannique, le pays a certes abandonné un ministère public dès 1996 au profit d’une agence nationale mais cela s’est fait au prix d’un abandon total des aides en faveur de la pratique au quotidien du sport. 

Le risque serait d’abandonner le sport pour toutes et tous, vraiment ?

Bien que le Royaume-Uni ait enquillé les médailles depuis les JO de Sydney en 2000, ait fini sur le podium, en 2012, et maintienne un niveau sportif très élevé, le nombre de pratiquants outre-Manche a considérablement chuté. Dans certains quartiers anglais, les taux d’obésité ont explosé, le nombre de personnes ne sachant ni nager ni faire de vélo a doublé en moins d’une décennie et de nombreuses infrastructures sportives ont été littéralement abandonnées. 

Ce n’est bien évidemment pas ce qu’il faut en France. D’où l’intérêt de conserver un représentant public, garant de la pratique et des aides. Ainsi, pourquoi ne pas privilégier, tout simplement, la création d’un ministère de la pratique du sport au quotidien, chargé uniquement de cet objectif. Il confierait ainsi le champ du sport d’élite à l’agence nationale et laisserait les fédérations et les ligues professionnelles indépendantes financièrement à leur propre sort, sans intervenir ni commenter leurs décisions, comme n’importe quelle entreprise privée ancrée dans une société de marché. 

Et vous, quel est votre avis sur la question ? 

Pierre Rondeau

Pierre Rondeau
Pierre Rondeau
Economiste du sport - Journaliste - Co-directeur de l'Observatoire Sport et Société Jean Jaurès

Pierre Rondeau est professeur d'économie à la Sports Management School, spécialiste en économie du sport et en économie du football. Il est également co-directeur de l'Observatoire du Sport à la Fondation Jean Jaurès et chroniqueur pour So Foot & L'Equipe.

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