L'économie de la Formule 1

L'économie de la Formule 1

Pierre Rondeau

De retour le 21 mars prochain avec le Grand Prix du Bahreïn au circuit de Sakhir, la Formule 1 est depuis maintenant plus de 70 ans le championnat phare de la course automobile. Son économie est totalement mondialisée et génératrice de gros résultats financiers. Analyse de la situation.

Après le report de la saison 2020, suite à la pandémie de covid19, et 3 Grands Prix annulés, on pensait le championnat de Formule 1 lourdement touché et impacté par le contexte sanitaire mondial. Pourtant, les organisateurs sont parvenus à résister aux soubresauts économiques et à maintenir pérenne les résultats financiers. 

DES MILLIARDS D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES

Depuis maintenant le début des années 2010, les performances de Formula One Management, la société organisatrice de la compétition, génère plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires, chaque saison. En détail, de 2 à 3 milliards d’euros sont garantis et versés par les organisateurs et les propriétaires des circuits, dont une partie est apportée directement par les pouvoirs publics nationaux, 1,5 milliard via les recettes de droits TV et plus de 800 millions issus du sponsoring et du marketing. 

Le championnat de Formule 1 est rentable et ce depuis très longtemps, malgré la baisse des audiences et le désintéressement pour la course automobile constaté au début des années 2010 en Europe. L’édifice tient et résiste aux évolutions internationales. C’est grâce à l’aspect international de l’évènement, captant l’audience mondiale plutôt qu’uniquement ciblée sur un marché continentale ou nationale particulier, qui permet d’éviter la récession. On compte en effet des centaines de millions de téléspectateurs lors de chaque Grand Prix, dont une part de plus en plus importante en Asie, un marché très porteur pour les investisseurs. 

De même, la compétition a été capable de se réinventer, tant sportivement que médiatiquement, afin de capter l’attention d’un nouveau public, à travers des réformes technologiques régulières, pour toujours renforcer l’intensité et le suspense sportif, et des accords avec des médias et des plateformes de diffusion, comme Netflix avec le reportage «  Formula 1: Drive to Survive  », grand succès populaire et critique en 2019. 

D’ailleurs, la société commerciale organisatrice, Formula One Management (FOM), dirigée pendant très longtemps par l’excentrique britannique Bernie Ecclestone, a su gérer le sport si bien que, pendant longtemps, il a été ballotté entre plusieurs propriétaires, tous désireux de s’accaparer les fortunes potentielles de la compétition. 

Déjà, en 2000, Ecclestone revendait 75% de ses parts au milliardaire allemand Leo Kirch pour 1,6 milliard de dollars, tout en conservant la direction de la société. Après différents changements de propriétaires, entre 2000 et 2016, 18,7% des parts sont revendues à la société Liberty Media, valorisant ainsi la société à 8 milliards d’euros, ce qui fait de la Formule 1 l’une des compétitions sportives les plus chère et rentable du monde. C’est précisément l’un des raisons qui explique la présence de deux fonds d’investissement américains surpuissants parmi les actionnaires de la holding, CVC Capital Partners et JP Morgan, connus par les fans d’économie du sport puisqu’aussi présents dans le football (créanciers de la Ligue 1 et du LOSC, actionnaires de la Série A italienne) et le rugby (actionnaires de la société organisatrice du VI Nations). 

DES ECURIES RICHISSIMES

Ces excellents résultats économiques et médiatiques permettent en retour d’attirer 10 écuries lors de chaque édition, présentant ainsi un chiffre d’affaires total de plus de 4,6 milliards d’euros. En détail, les budgets, selon la renommée et la compétitivité de l’équipe, peuvent monter de 75 millions d’euros à 450 millions d’euros, notamment Ferrari ou Mercedes. En retour, les dotations de FOM liées aux performances, aux résultats et à la visibilité s’échelonnent entre 50 et 150 millions d’euros par an et par écurie. A cela se rajoute les fonds issus du sponsoring, qui représente environ 75 millions d’euros par écurie. Le reste provient du constructeur et de l’actionnaire de l’équipe, désireux de s’attirer toute la visibilité possible, à très grande échelle internationale. 

Bien qu’impactées durant le premier confinement du printemps 2020 et le début de la crise sanitaire, la Formule 1 et les écuries ont bien résisté, malgré une baisse des revenus estimée à 20% après l’annulation de 3 courses et le report de la compétition. Néanmoins, l’un des avantages de cette épisode douloureux a été la réforme économique nécessaire au modèle, avec l’introduction, dès cette saison 2021, d’un plafond budgétaire. Cela permettra d’assurer la pérennité des finances mais aussi d’offrir une plus grande intensité sportive, en réduisant les écarts sportifs et économiques entre les écuries. Interrogé par le média EcoFoot, Marc Limacher, grand spécialiste de l’économie de la F1 et auteur du Business Book GP 2020, admet que « cela permettra de changer le modèle économique de la Formule 1 ». C’est donc l’avenir qui se joue actuellement, un avenir qui s’annonce encore plus stable et durable qu’aujourd’hui. 

Pierre Rondeau

Pierre Rondeau
Pierre Rondeau
Economiste du sport - Journaliste - Co-directeur de l'Observatoire Sport et Société Jean Jaurès

Pierre Rondeau est professeur d'économie à la Sports Management School, spécialiste en économie du sport et en économie du football. Il est également co-directeur de l'Observatoire du Sport à la Fondation Jean Jaurès et chroniqueur pour So Foot & L'Equipe.

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